Le skipper du Maxi Banque Populaire XI a dépassé le cap Leeuwin ce mardi matin à 2 h 06 min (heure française). Alors qu’il progresse à l’avant d’un front, les conditions, déjà très virulentes, vont continuer à se dégrader. Afin de préserver le bateau, il pourrait tenter une route Nord en passant dans le détroit de Bass, entre l’Australie et la Tasmanie. Malgré tout, il fait preuve d’une capacité de résistance ce qui lui permet de se rapprocher de Thomas Coville, actuellement 2e.
Il a la voix de ceux qui savent qu’il faut être constamment mobilisé, de ceux qui n’ont pas vraiment le choix. Armel Le Cléac’h n’a ni le temps de s’attarder sur d’éventuels états d’âme, des doutes ou des appréhensions. En cause ? La météo intraitable de ces mers du Sud et son cortège de conditions très engagées. « Ça tire sur le bateau et sur le bonhomme, il n’y a aucun répit, reconnaît Armel. Ce qui est difficile, c’est que ça dure, qu’on ne voit pas le bout du tunnel ». Le skipper du Maxi Banque Populaire XI n’est pourtant ni défaitiste, ni abattu. Il dresse seulement le constat implacable de ce que lui réserve sa traversée de l’océan Indien où rien ne lui est épargné.
« Même les albatros se font rares »
Ce mardi, à 2 h 06 (heure française), il a passé le cap Leeuwin, le deuxième cap de ce tour du monde depuis le cap de Bonne-Espérance. Pas question de s’y attarder et pour cause : son Ultim est actuellement à l’avant d’un front et il faut s’accrocher pour y rester. « On doit aller plus vite pour garder du vent correct, précise Armel. Si on va moins vite, il y aura plus de vent et plus de mer… L’objectif, c’est de ne pas se faire croquer, ça donne de la motivation pour conserver de la vitesse ! » Une course contre-la-montre donc davantage visible sur la cartographie qu’à bord. « Ici le ciel est bas, il bruine comme en Bretagne avec des nuages, du vent qui rentre, de la mer formée… Ce n’est pas très confortable. Et puis on a l’impression d’être seul, au milieu de nulle part. Ça fait plusieurs jours que je n’ai pas croisé de bateaux et même les albatros se font rares ».
La suite s’annonce tout aussi délicate. « La météo se dégrade fortement avec un front qui se creuse et qui va durer plusieurs jours ». Avec l’équipe de routage, Armel s’emploie à trouver la bonne trajectoire et parvenir à dépasser cette
dépression conséquente qui va lui
barrer la route. « Pour éviter de traverser une zone très dangereuse, nous sommes en train de voir si on peut passer entre la Tasmanie et l’Australie dans le détroit de Bass. On pourrait aussi dépasser la Nouvelle-Zélande par le Nord ». Le marin poursuit : « certes, ça va nous rallonger la route mais c’est le prix à payer pour ne pas prendre de risque, préserver le bateau et continuer avec sérénité ». Cette stratégie ne sera pas de tout repos et la vigilance devra être exacerbée. « Il y a des îles, des cailloux, des plateformes pétrolières, il faudra faire attention ».
Moins de 250 milles d’écart avec Thomas Coville
Malgré la virulence des conditions, les perspectives qui s’annoncent donc difficiles à gérer, Armel fait preuve d’une clairvoyance et d’une lucidité impressionnante. « Bien sûr que ça use le bateau comme l’organisme, ça tire sur le mental mais il faut espérer que ça va finir par nous sourire », Armel reconnaît qu’il s’agit « du passage le plus engagé depuis le départ ».
Mais sa détermination lui permet aussi de remporter de petites victoires qui font du bien au moral. C’est le cas lorsqu’il constate que son retard sur Thomas Coville a considérablement fondu : plus de 1 300 milles au niveau du cap de Bonne-Espérance et désormais moins de 250 milles. « Ça c’est le positif de ce qu’on vit actuellement, sourit Armel. Après avoir été longtemps isolé, c’est agréable d’être à nouveau au contact avec un autre bateau, de retrouver l’esprit de compétition. »
Mais pas question de se tromper d’objectif : « pour l’heure, je ne pense pas à dépasser Thomas. Je fais ma route, je suis concentré dessus tout en veillant à mon bateau ». Pour l’instant, hormis « quelques bricoles », il peut compter sur un bateau « en très bon état ». Par ailleurs, son option très Nord devrait lui permettre « d’apercevoir les côtes australiennes et néozélandaises ». « Ce sera mon petit plaisir ! », s’amuse Armel.