Armel Le Cléac’h a bouclé la plus prestigieuse des transatlantiques ce dimanche, malgré un arrêt forcé à Lorient pour une avarie de dérive, à l’issue de 10 jours, 22 heures et 49 minutes de course. Franchir la ligne d’arrivée est une récompense en soi pour le skipper mais aussi pour tout le Team Banque Populaire qui n’a pas ménagé ses efforts afin de réparer et lui permettre de repartir. Une expérience précieuse pour continuer à progresser, à développer le bateau et à se projeter avec envie vers de nouvelles perspectives.
À son arrivée à Pointe-à-Pitre, alors que le soleil brûlait déjà la peau ce dimanche matin, Armel Le Cléac’h est apparu avec un large sourire. Les cernes sont légèrement creusés, le teint hâlé et l’enthousiasme assuré. Le skipper est allé au bout de cette course et le symbole est particulièrement fort après avoir dû s’arrêter 36 heures à Lorient la semaine passée. « On a réussi à repartir, ça a été un beau pari, un beau challenge relevé par toute l’équipe », explique-t-il. Certes, la déception est toujours là et affleure au détour de quelques trémolos dans sa voix. Néanmoins, cette capacité collective à rebondir vite a eu valeur d’exutoire. « J’aurais pu rentrer chez moi et laisser tomber mais j’avais à cœur de repartir et d’écrire une autre histoire pour le Team et pour Banque Populaire » assure Armel.
« En quelques secondes, tout a basculé »
Se serrer les coudes, rechercher constamment des solutions, coûte que coûte, est un état d’esprit qui dépasse largement le cadre du sport. « J’ai été très touché de recevoir des messages de gens d’univers très différents qui étaient ravis que je reparte. D’une certaine manière, on montre l’exemple ». Cette aspiration à se battre sans jamais renoncer, c’est aussi celle qui anime au quotidien Banque Populaire auprès de ses clients, qu’elle accompagne même lorsqu’ils font face à des difficultés. Cela n’enlève en rien à la déception, surtout après 40 000 milles parcourus en mer dans le but de monter en puissance. « Ce sont des aléas dans la vie de marin qu’il faut accepter ».
Au départ de la Route du Rhum pourtant, Armel était dans le match. « On était bien parti, on déroulait. Si Charles (Caudrelier, vainqueur) avait réussi un bon début de course, je savais qu’il y allait avoir des opportunités pour être avec lui jusqu’au bout ». Mais sa progression s’est arrêtée net, jeudi 10 novembre. « En quelques secondes, tout a basculé », la faute à cette avarie de dérive soudaine qui a également provoqué des impacts dans la coque. « Ce qui est le plus dur à avaler, c’est qu’on n’arrive toujours pas à expliquer pourquoi elle s’est cassée ».
« L’équipe s’est donnée à 200 % »
À l’amertume, lancinante et légitime après quatre ans à penser et développer le bateau, a succédé la mobilisation générale. Dès qu’Armel s’est dérouté vers Lorient, l’équipe s’est mise au travail. Pendant 36 heures, dans le froid automnal du port breton, les membres du Team n’ont pas ménagé leurs efforts afin d’analyser, colmater, réparer, poncer. « Ils se sont donnés à 200 %, témoigne Armel. Certains se sont relayés en dormant quelques heures à l’arrière d’un camion. Ils ont démontré leur professionnalisme et leur sens de l’engagement. Ça m’a permis de repartir le plus vite possible et de trouver l’envie et la motivation de finir la course ».
Sur l’eau, Armel a retrouvé son élément et le Maxi Banque Populaire XI a pu exprimer son plein potentiel. « J’ai essayé de faire une bonne trajectoire en me donnant pour objectif de rattraper les bateaux qui étaient devant ». Aux engagés de toutes catégories qu’il dépasse, il échange quelques mots à la VHF, reçoit des mots d’encouragements. Surtout, le Breton a rapidement retrouvé les sensations uniques offertes par son Ultim. « Lors des dernières 48 heures, j’étais à fond dans les alizés, sous grand gennaker, avec une vitesse de 33 à 40 nœuds. Le bateau est fantastique, il vole tout en offrant un sentiment de sécurité. J’ai pu dormir, je n’étais pas stressé et ça allait vite ! »
Un tour du monde inédit en perspective
Armel ajoute : « naviguer en solitaire et en compétition sur de telles machines, c’est une chance rare ». Si l’histoire n’a pas été celle escomptée, elle ne peut qu’être enrichissante pour la suite. « Désormais, ça fait partie de notre expérience et ça va nous permettre de progresser encore ». En bouclant cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe, Armel s’est également qualifié pour le premier tour du monde en solitaire en course à bord de ces géants, dont le départ aura lieu à la fin de l’année 2023.
« Peu de skippers ont fait le tour du monde à bord de ces bateaux, et je ne l’ai pas encore fait. On a un peu plus d’un an pour y arriver et participer à ce nouveau monument de la voile ». Désormais, une partie de l’équipe va assurer le convoyage retour avant le chantier d’hiver du bateau. Certes, cette édition de la Route du Rhum gardera un goût d’inachevé. Mais l’esprit de compétiteur d’Armel et du Team Banque Populaire résiste à tout. « Il faudra clairement y revenir », assure Armel, sourire aux lèvres.