Secouru par l’équipage portugais du « Sonho de Infancia » mardi soir, Armel a rejoint ce matin le port de Vigo en Espagne où l’attendaient des membres de son équipe. Il nous livre ses premiers mots avant de rejoindre ses proches en Bretagne.
« Après Ouessant on se retrouve dans une zone de vent quelque peu compliquée.
Il y avait une transition, nous on décide d’aller chercher un peu plus de vent dans l’ouest.
Effectivement on se retrouve de nouveau à rattraper nos petits camarades qui s’étaient un peu échappés, il y a quatre bateaux devant moi et très vite on récupère quelques places, dû notamment aux avaries de deux concurrents directs Gitana et Sodebo, et puis je me retrouve en deuxième position dès le lundi soir dans le Golfe de Gascogne où on allait chercher cette deuxième
dépression qu’on avait déjà bien surveillée depuis plusieurs jours à Saint-Malo à terre avec mon équipe, donc on continuait finalement notre stratégie comme prévu au départ.
On s’était vraiment donné des limites en force de vent et d’état de mer, pour pouvoir préserver le bateau. Avant tout, l’objectif avec l’équipe était d’arriver en Guadeloupe.
On savait qu’on avait le potentiel pour faire une belle place, mais d’abord l’essentiel était d’arriver. Pour ça on s’était mis des limites par rapport aux conditions météo.
Malgré notre retard au départ, on n’a pas changé cette ligne de conduite avec Marcel mon
routeur avec mon équipe à terre, donc on a continué cette stratégie, donc on avait un petit contre bord à faire dans l’ouest pour aller chercher une rotation de vent, dans des conditions de vent et de mer un peu plus fortes mais pas du tout dantesques.
On est allé chercher jusqu’à 5 mètres de creux, il y avait des rafales à 35, 40 nœuds maximum, mais ça n’allait pas durer très longtemps.
Mardi matin, je suis
tribord
amure au près direction l’est des Açores et on continue notre plan de route avec notre équipe météo à terre. Les conditions se sont un peu dégradées comme prévu, on a 35 nœuds de vent, de la mer qui s’est un petit peu formée, Je suis à ce moment-là avec le minimum de voile à bord de Banque Populaire, 3 ris dans la
grand-voile, le J3 ce qu’on appelle l’ORC, la plus petite voile de près, et le bateau avance normalement.
J’ai vraiment réduit la vitesse pour ne pas faire souffrir le bateau parce qu’on sait que c’est le moment un petit peu compliqué à passer que derrière les conditions dans la soirée vont nettement s’améliorer, et que finalement ensuite ce sera vraiment la descente, la glissade vers les Antilles.
Tout se passe bien, j’ai réussi à dormir quelques heures la nuit précédente pour justement passer ces conditions un peu difficiles, et puis le bateau avance normalement.
Je suis à ce moment-là en veille au niveau du piano pour être à même de pouvoir
choquer les écoutes parce qu’il y avait de temps en temps des petites surventes.
Tout d’un coup, le bateau
bascule sur le côté, en quelques secondes, je ne me rends pas vraiment compte de ce qui se passe, le bateau est complètement gîté, je me rends compte qu’on est en train de chavirer. J’aperçois le
flotteur sous le vent qui est détaché du bateau, donc je me dis qu’il y a dû y avoir quelque chose qui a lâché, je ne sais pas quoi, en tout cas, je suis plutôt dans l’urgence de gérer la crise, surtout pour moi d’essayer de trouver une solution pour être en sécurité et me retrouver si possible à l’intérieur du bateau dans la coque centrale quand le bateau aura fini de se retourner.
Je ne sais pas ce qui s’est passé, ça a été très rapide, le flotteur, ou quelque chose qui s’est détaché. Là pour le coup, c’était tellement brutal et tellement rapide que j’ai été surpris, je ne m’attendais pas à ça bien sûr.
Déjà il a fallu que je réussisse à rentrer dans le bateau, ça ne s’est pas fait facilement. J’ai réussi tant bien que mal à rejoindre la coque centrale et à rentrer par le hublot qui est prévu pour ça, à l’arrière, et donc me retrouver à l’intérieur du bateau, en sécurité, pour pouvoir déclencher les secours et notamment la
balise de détresse. Je l’ai actionnée assez rapidement, ensuite j’ai pu ouvrir le sac de survie qui est à bord pour pouvoir avoir tout de suite les premiers outils pour pouvoir me mettre en sécurité et enfin contacter la terre.
J’ai appelé mon équipe pour leur dire que j’étais bien à bord et que ça allait même si j’avais assez mal aux côtes, j’étais un peu sonné mais j’étais dans le bateau sain et sauf et que j’attendais maintenant les secours pour venir me chercher. Ça a pris un peu de temps.
Après l’organisation du sauvetage s’est mise en place avec les différents organismes de sécurité, la Marine française, la Marine portugaise, la Direction de course et le Team Banque Populaire.
Les choses se sont faites progressivement, moi j’étais en contact avec la terre régulièrement, ils m’ont donné des nouvelles.
Déjà, ils avaient la position du bateau, ce qui était plutôt bien. Ensuite il a fallu dérouter un ou plusieurs bateaux. J’ai su plus tard qu’il y avait un cargo et un bateau de pêche qui allaient rejoindre la zone sur laquelle je me trouvais et qu’un avion français allait décoller pour pouvoir survoler ma position et qu’un deuxième avion portugais allait aussi venir sur zone. Ça a pris 6-7 heures avant l’arrivée du premier avion français, avec qui j’ai pris contact par VHF pour préciser ma position, pour dire que tout allait bien à bord, et à ce moment-là ils m’ont informé qu’un bateau de pêche portugais avait été dérouté et qu’il allait arriver sur zone en début de nuit vers 20h-21h (heure française), pour pouvoir me porter secours.
D’abord j’ai été récupéré par le bateau de pêche, c’était quand même un moment assez chaud, parce que les conditions de mer et de vent ne s’étaient pas vraiment calmées. Sur zone, c’était toujours bien agité, ça remuait pas mal dans le bateau. Le bateau de pêche est arrivé vers 20h.
On avait mis en place une organisation pour mon sauvetage : j’avais échangé avec les deux avions pour leur dire comment j’allais pouvoir sortir du trimaran et rejoindre le bateau de pêche. J’avais prévu de mettre mon radeau de survie à la mer, de monter dedans, et de rejoindre si possible le bateau de pêche à ce moment-là pour monter à bord. C’est ce que j’ai réussi à faire vers 21h.
Ça a été un petit peu compliqué parce que la mer était difficile, il faisait nuit mais heureusement, le bateau de pêche et notamment le Capitaine a très bien manœuvré, l’équipage a été formidable, ils m’ont vraiment bien aidé dans cette manœuvre.
Très vite j’ai réussi à monter à bord de ce bateau de pêche portugais où j’ai été très vite bien accueilli, ils m’ont proposé de prendre une douche de me donner des vêtements parce que j’avais uniquement ma combinaison de survie, et se sont souciés de savoir si j’allais bien. Vraiment très sympa l’équipage.
J’ai pu à ce moment-là prévenir mon équipe et les différents moyens de sauvetage pour dire que j’étais bien à bord et que l’opération de sauvetage s’était bien passée et qu’ensuite on allait rejoindre Vigo (Espagne), mais que ça allait prendre un petit peu de temps parce qu’il fallait deux jours et demi pour rejoindre le port de destination.
Toute l’équipe est mobilisée pour essayer de récupérer le bateau, aujourd’hui les choses se mettent en place. C’est pas simple, parce que le bateau est entre les Açores et le Cap Finisterre, les conditions de mer et de vent sont un peu agitées en ce moment, il faut trouver les bons bateaux, il y a normalement un bateau qui va partir dans les heures qui viennent avec une partie du team Banque Populaire pour aller récupérer le bateau le plus vite possible. »
Retrouvez l’interview d’Armel en vidéo sur le serveur vidéo Voile Banque Populaire : https://www.videovoile.banquepopulaire.fr/