Ce mercredi, à 14h15, Armel Le Cléac’h sera seul à bord, concentré et affûté au maximum pour affronter un début de course qui s’annonce musclé. Les heures de sommeil seront rares, l’intensité prégnante et la détermination à son paroxysme. Avant le top départ, Armel décrypte les enjeux de ces premiers moments en mer.
Maintenant tout commence. La course, enfin. Celle dont il rêve depuis l’enfance, celle qu’il connait par cœur, celle qu’il prépare avec minutie aux côtés du Team Banque Populaire. Armel Le Cléac’h s’apprête à prendre le départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe et l’enjeu est un vertige à lui tout seul. Traverser l’Atlantique en course à bord d’un géant de 32 mètres pensé depuis quatre ans, mis à l’eau l’an dernier et fiabilisé sans relâche, c’est pour maintenant. Et le skipper a hâte, « toujours aussi motivé » dixit Ronan Lucas, le directeur du Team. Les quelques jours de répit après l’annonce du report de la course, de dimanche à ce mercredi, n’ont mis à mal ni sa sérénité, ni l’engagement de l’équipe.
Alors que des membres du Team se sont relayés pour veiller sur le Maxi Banque Populaire XI au mouillage à Dinard depuis samedi, l’équipe restera pleinement mobilisée dès le départ, ce mercredi à 14 h15, afin « d’être le plus réactif possible » précise Ronan. Une équipe longera la côte bretonne et restera à Brest mercredi soir. La cellule météo et routage composée de Marcel Van Triest, Nicolas Lunven et Sébastien Josse sera également aux commandes. Objectif : être présent en permanence pour épauler Armel et lui permettre de donner le meilleur au large. Avant le départ, le skipper évoque ses dernières heures à terre, sa gestion du stress, les conditions attendues et les options à déterminer.
LES MOTS D’ARMEL
L’état d’esprit. « Il y a beaucoup de concentration. Le scénario est clair pour s’élancer, la météo est connue et je sais à quoi m’attendre lors des premières heures de course. En fin de journée ce mardi, j’ai fait un dernier tour à bord du bateau, assisté au point météo et routage avec l’équipe. Ma motivation et mon envie de débuter la course sont très fortes, mais je sais qu’il faudra être extrêmement vigilant au départ. »
Les conditions météo « Nous allons partir avec du vent d’ouest, ce qui signifie que le vent sera contraire jusqu’au Cap Fréhel. On ne pourra donc pas aller tout droit, il faudra tirer des bords pour passer cette première porte, la dernière marque avant la Guadeloupe. Ensuite, on progressera au près pour sortir de la Manche avec du vent d’ouest, sud-ouest entre 15 et 20 nœuds. Puis, le vent va tourner à l’avant d’une dépression qui se rapprochera de l’Irlande dans la journée de jeudi. Ce sera le premier phénomène météo à franchir, une dépression qu’on va aborder dans la nuit de jeudi à vendredi. Les conditions seront donc soutenues avec du vent et de la mer même si cela reste plus maniable que si nous étions partis dimanche dernier. Après, si les prévisions sont véridiques, on aura des conditions plus portantes, un alizé bien en place et donc une course de vitesse jusqu’à l’arrivée. »
« L’équipe est entièrement mobilisée »
Les points clés. « Les 12 premières heures de course seront primordiales pour ne pas se faire décrocher. La sortie de la Manche s’annonce délicate avec beaucoup de manœuvres en perspective, un fort coefficient de marée, du courant et de nombreux dangers entre les cargos et les bateaux de pêche. L’autre moment clé, ce sera le passage de front dans la journée de vendredi avec le vent de secteur sud qui pourrait passer ouest. Il faudra être en forme pour bien passer cette transition. Les premiers qui arriveront à attraper ce vent portant prendront un avantage en tête de course, d’autant qu’ensuite, ce sera surtout de la vitesse. Il faudra conserver une sacrée intensité pour ne pas perdre de milles à ce moment-là. »
Le dévouement du Team. « Une nouvelle fois, toute l’équipe a répondu présente ces derniers jours. Lorsque le bateau était au mouillage, il était important d’avoir un staff présent pour veiller à le garder en sécurité et effectuer les dernières vérifications. Je sens qu’il y a beaucoup de concentration et une sacrée envie de bien faire chez chacun. Des membres du Team partiront ensuite pour assurer la veille technique le long de la côte. La cellule routage et météo sera également sur le pont. Je sais que l’équipe est entièrement mobilisée et ça contribue à être le plus serein possible. »
Les dernières heures avant le départ. « Je vais bien dormir lors de la dernière nuit parce que je sais qu’on part dans des conditions maniables même s’il y aura beaucoup d’intensité et de manœuvres à effectuer. La matinée sera relativement calme : je vais avoir le temps de regarder la météo, de monter sur le bateau vers 11 heures puis bien déjeuner. Il faut être le plus en forme possible car on ne va pas beaucoup dormir durant les 24 premières heures. Comme à chaque course, la gestion du sommeil sera un élément essentiel afin d’être performant. »
Le ressenti au moment du départ. « Avec le dernier décompte, il y a l’adrénaline qui monte, le stress aussi. Passer la ligne dans le bon tempo, veiller à tous les bateaux qui veulent s’élancer au même moment, ça oblige à être très concentré. Je sais qu’il ne faut pas se laisser emporter par la pression du départ, être focalisé sur la marche à suivre, sur mes automatismes. Je vais m’attacher à commencer cette Route du Rhum sur de bonnes bases avant de dérouler le fil stratégique qu’on a anticipé. Mentalement, je sais que c’est toujours positif de ne pas faire de bêtises, de ne pas perdre d’énergie bêtement et d’être devant aussi. »