Il a hâte et ne s’en cache pas. Certes, il y a la « pression qui monte », l’effervescence qui se fait sentir et le départ qui se rapproche inexorablement. Mais Armel semble projeté dans l’après : les premières heures de course, les variations de vent à chercher, le Golfe de Gascogne à traverser et une première dépression à négocier… Le skipper du Maxi Banque Populaire XI souhaite se confronter au large, retrouver l’action et l’intensité qui va avec. Dernières confidences d’un homme prêt pour le grand saut.
Ce pourrait être un modèle pour tous ceux qui doivent passer un examen, un entretien, l’un de ces moments où l’on a la sensation de jouer une partie de ce qu’on est. Quand Armel Le Cléac’h est face à ce type de challenge, il a une capacité impressionnante à tout gérer. Le stress, les appréhensions, le niveau de fatigue, les sollicitations… Tout a été pensé et réfléchi pour ne pas entamer sa sérénité. L’expérience est un luxe, en mer autant qu’à terre. À le voir au briefing dédié aux skippers, ce samedi matin avec l’ensemble des concurrents, sa méthode semble fonctionner. Concentré pendant la réunion, complice avec Thomas Coville puis avec Nicolas Lunven (qui compose sa cellule routage), Armel en est sorti sourire aux lèvres au moment de répondre aux journalistes.
« J’ai hâte d’être au large »
Le calme d’Armel est communicatif et fait oublier toutes les inconnues de ce tour du monde inédit. « Ça me rend heureux de partir », a-t-il répété à plusieurs interlocuteurs ces derniers jours. « Dans ma tête, j’ai l’impression d’être déjà un peu parti » confiait-il ce samedi matin. « Il y a forcément de l’effervescence, des proches qui viennent nous voir mais on commence à ne plus être disponibles ».
Tout est programmé : un repas en famille ce samedi soir, une nuit où il espère bien dormir, la mise en scène au village ce dimanche matin, les embrassades aux pontons, la parade et cette pression « qui monte tranquillement. Le timing est bien calé, on sait déjà quelles voiles on aura au départ, on a le schéma des premières heures de course en tête… Et puis j’ai hâte d’être sur mon bateau, d’être au large et de passer ma première nuit en mer ».
Des enjeux en pagaille dès les premiers jours de course
La course justement débutera avec un panorama presque inespéré pour tous ceux qui résident à Brest depuis plusieurs jours. Alors que la météo a été capricieuse depuis quinze jours, un ciel dégagé est prévu avec 10 à 15 nœuds de vent de Nord, Nord-Est. « Ce sera un départ avec un grand soleil et du vent portant, on ne pouvait pas rêver mieux », sourit Armel. Même si les images seront belles, cela ne veut pas dire que les premières heures de course seront de tout repos, bien au contraire.
« Nous serons dans la limite du décollage au départ mais le vent devrait se renforcer dans la soirée » souligne Armel. « Dès le lendemain matin, on devrait être au large du Cap Finisterre. Ce sera une descente rapide vers le Sud ». Nicolas Lunven, qui compose la cellule routage du Maxi Banque Populaire XI et qui était présent avec Armel lors du briefing, précise : « les bateaux vont avoir du mal à voler au départ, ce qui peut créer des écarts significatifs. Le premier qui arrivera à attraper du vent pourra s’échapper ».
Une dépression pour un premier passage à niveau
La suite, c’est « une dépression pas très active mais qui pourrait être compliquée en matière de manœuvre » dixit Armel. « Il s’agit d’une vaste dépression qui envoie un front froid très loin au Sud et qui anéantit les alizés », décrypte Nicolas. Deux options majeures se dégagent : soit longer la côte africaine pour conserver un flux d’alizé faible pour progresser, soit partir dans l’Ouest et se rapprocher de la dépression. « C’est assez étroit et stratégique » ajoute Armel. « À l’heure qu’il est, nous n’avons pas encore identifié ce qu’on va faire. Mais ça peut être un premier passage à niveau ».
En somme, il faudra être particulièrement vigilant et attentif. « Ce sont des moments où on se doit d’être à l’affût, que ce soit à bord du bateau, et à terre avec la cellule routage. Il faudra rester dans le bon paquet ». À écouter Armel et à le voir ensuite retrouver son équipe d’un pas pressé, nul doute que sa course a déjà commencé.