La navigatrice de Banque Populaire X a franchi la ligne du Vendée Globe à 16 heures, 44 minutes et 25 secondes (HF). Clarisse a ainsi bouclé son tour du monde en 87 jours, 2 heures, 24 minutes et 25 secondes. Elle devient la femme la plus rapide du Vendée Globe, s’offrant le record d’Ellen MacArthur (94 jours, 4 heures et 25 min en 2001). Surtout, Clarisse a démontré un sacré courage malgré les difficultés, cinq ans après avoir découvert la course au large et deux ans après ses premiers bords en IMOCA.
Lorsqu’elle est descendue seule sur les pontons, le 8 novembre dernier, applaudie par les autres membres des équipes, elle n’arrivait pas à se départir de son sourire. Les sentiments se mêlaient, tout était trop intense et elle y répondait, comme à son habitude, par son enthousiasme. Clarisse est comme ça, sur l’Atlantique comme autour du monde, à s’ouvrir sur ses joies, ses doutes et ses petits moments de bonheur. La trentenaire est aussi une battante, une acharnée de travail, forte d’une capacité impressionnante à apprendre, et vite. Son histoire avec la course au large en est la meilleure illustration : la découverte de la discipline avec Tanguy Le Turquais avec qui elle partage sa vie, l’abnégation à participer à la Mini-Transat (2017) et à aimer l’aventure et la solitude qu’elle implique, puis l’IMOCA. En moins de deux ans, elle s’est appropriée un bateau exigeant au riche palmarès (vainqueur du Vendée Globe 2012-2013, vainqueur de la Route du Rhum 2018), a participé à une transatlantique avec Armel Le Cléac’h (6e de la Transat Jacques Vabre), est revenue seule en convoyage avant son unique course en solitaire à bord de Banque Populaire X (12e de la Vendée Arctique Les Sables cet été).
Seule face aux difficultés
Vient ensuite le Vendée Globe, l’émotion que cela suscite et toutes les questions que ça engendre. « J’ai eu une chance en or que Banque Populaire me propose ce projet. Cette opportunité, c’est aussi une responsabilité ». Et une charge émotionnelle forte, aussi, sur les épaules d’une trentenaire qui n’a jamais reculé, créé une start-up, quitté la vie parisienne pour la Bretagne et s’est lancée avec passion vers le large.
En novembre dernier, les premiers jours de course sont compliqués et Clarisse décide de laisser filer la dépression Thêta avant de poursuivre sa descente de l’Atlantique. Il y a l’hydrogénérateur bâbord qui s’est arraché et surtout l’agacement de ne pas avoir suivi le train des leaders. « Ce n’est pas facile de voir les petits copains partir », confie-t-elle un jour. Mais Clarisse s’accroche, tient bon, puise en elle des ressources insoupçonnées. Et surtout, elle continue sa progression.
Le Vendée Globe, « une vraie leçon de vie »
Son objectif ? « Trouver le bon équilibre entre tirer le meilleur parti de mon bateau et gérer mon rythme à bord ». Chaque petit pas est une victoire : dépasser la latitude de Salvador de Bahia (elle n’était jamais descendue plus au Sud), franchir le cap de Bonne Espérance, découvrir les mers du Sud où « les albatros brisent la monotonie ». À force d’engranger les milles, elle confie « finir par se contenter de peu » et l’on sent, au travers de ses prises de parole, qu’une confiance est en train de naître. « C’est une histoire de compromis entre aller vite tout le temps et me préserver. J’apprends à me connaître. C’est une vraie leçon de vie ».
Son Noël était agité – 27 nœuds, 6 mètres de houle – avant de célébrer son anniversaire, 31 ans le 30 décembre, dans des conditions plus clémentes. Durant toute l’exploration des mers du sud, à longer la ZEA et à composer avec les dépressions, Clarisse parvient à dépasser Alan Roura (La Fabrique) et fait longtemps route aux côtés de Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resort). L’approche du Cap Horn est délicate, harassante, les rafales dépassent les 40 nœuds, les vagues sont de plus de 7 mètres… Mais bientôt, Banque Populaire X franchit le Cap Horn, à une trentaine de milles du caillou sombre qui suscite tant d’espoirs. La navigatrice en parle comme d’un « moment d’émerveillement » et « d’un mélange d’émotions ».
« J’ai l’impression de m’améliorer de jour en jour »
De retour dans l’Atlantique, il y a cette réparation de J2 après être montée trois fois au mât, ses pamplemousses qui ont résisté à des semaines à bord, le passage du Pot-au-Noir un peu plus délicat qu’à l’aller et « l’impression qu’il n’y a que l’océan qui existe ». La bagarre sportive est toujours prégnante et la jeune femme résiste longuement, avec panache et abnégation, au retour du foiler de dernière génération d’Armel Tripon (L’Occitane en Provence). Dans le même temps, l’apprentissage n’est jamais vraiment fini.
« Ce qui me fascine en course au large, c’est la richesse que cela offre en matière d’expérience. Plus on navigue, plus on s’améliore, plus on s’enrichit, plus on peut tirer des conclusions pour progresser. J’ai l’impression de m’améliorer de jour en jour ». Elle dit avec fierté « avoir gagné ses galons de marin ». Jamais, l’abandon « ne lui a traversé l’esprit » parce que l’espoir a toujours été plus fort, celui de jours meilleurs et d’une harmonie totale avec Banque Populaire X devenu son « meilleur ami ». Au creux de ses réflexions qui dressent l’esquisse d’un premier bilan, Clarisse donne l’impression, aussi, que ce Vendée Globe n’a rien d’un aboutissement mais d’une étape en plus, d’une expérience précieuse et enrichissante pour construire l’avenir, sur terre comme en mer. »
LES PREMIERS MOTS DE CLARISSE
« Je suis hyper heureuse d’être ici. C’est un gros soulagement car on était stressés jusqu’au bout. Je suis contente d’avoir réussi et de retrouver mon équipe. Cet accueil est incroyable, j’hallucine !! »
« J’ai énormément appris pendant cette course, ça donne presque envie de repartir avec ce bateau-là, maintenant que j’ai appris plein de choses dessus. Je me rends compte que j’ai découvert la bête au fur et à mesure. C’est sympa d’être plus à l’aise sur sa machine. Le temps de préparation était un peu court, je l’ai senti la première semaine où j’étais un peu intimidée sur tout ce qu’il y avait à faire. »
« On sait qu’être une femme dans la course au large est un élément de différenciation. C’est un sport mixte et c’est aussi une richesse. Il n’y a pas de classement féminin. En mer, je suis un marin et je ne me dis pas que le marin devant est un homme ou une femme, je ne pense pas à ça du tout. »
« Je pense que j’en ai moins bavé que d’autres en termes de problèmes techniques. J’ai la chance d’avoir une équipe de dingue et un bateau très bien préparé. C’était aussi un parti pris depuis le début de faire très attention à mon bateau. J’ai parfois regretté de ne pas avoir assez tiré sur la machine, mais l’objectif était de finir. J’en ai donc bavé, surtout du point de vue de la fatigue et la sensation de sans cesse avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en me demandant quand allait arriver le prochain pépin. A partir du moment où j’ai arrêté d’y penser, ça allait mieux. »
« On a tellement envie de réussir et d’atteindre son objectif qu’on a envie de finir. »
« En 3 mois, on vit 10 ans d’émotions. C’est un accélérateur de vie. J’ai pleuré de joie tous les jours, pas de désespoir. C’est quelque chose en termes d’émotions le Vendée Globe. »
« Sur une course, tu te dis parfois plus jamais ça, mais ça n’a pas été le cas pour moi. J’ai passé un super moment et appris énormément de choses donc oui ça pourrait me donner envie de retenter ma chance en mode performance, mais c’est un peu trop tôt pour m’avancer là-dessus. »
« 12e, c’est un joli chiffre. Moi ce que je regarde, c’est plus mon parcours, mes trajectoires, mes choix météo, la manière dont j’ai pu gérer mes soucis.
En termes de trajectoires, je suis contente. Après c’est toujours possible de faire mieux. Au début j’ai forcément pâti de mon manque d’expérience. Un peu impressionnée par l’ampleur de la tâche. J’ai pu perdre du terrain sur des bateaux que j’aurais pu suivre par la suite. Mais aucun regret car j’aurais pu casser quelque chose, j’ai donné le maximum. »
« C’est un peu tôt pour faire un bilan de mon état psychologique, mais oui c’est sûr que ce n’est pas anodin de passer 3 mois sur un bateau, toute seule, dans des contrées où l’on ne peut compter que sur soi-même. »
« Je suis fière d’avoir atteint un objectif. Fière aussi de tout ce que l’on a fait avec l’équipe. J’ai eu la chance qu’on vienne me proposer le Vendée Globe. On m’a fait confiance, et j’avais la ‘niaque’ pour être à la hauteur de cette confiance. »