« Un super bateau, une super régate, une victoire et beaucoup de plaisir ». Armel Le Cléac’h résume, sourire aux lèvres, la première grande victoire du Maxi Banque Populaire XI ce dimanche à Fort-de-France. Après deux ans de fiabilisation, d’optimisation, de doutes et de réjouissances, l’Ultim « est arrivé à maturité » dixit Sébastien Josse, son co- skipper. Une belle réussite collective et la garantie, aussi, de faire le plein de confiance à moins de deux mois d’un tour du monde inédit en solitaire et en multicoque.
La nuit a été courte et douce en Martinique. Elle a débuté dimanche soir par une arrivée spectaculaire, à plus de 26 nœuds de moyenne et un sentiment de plénitude partagé par toute une équipe. À bord, des embrassades, des accolades, des acclamations sur les pontons, des yeux qui brillent et des larmes qui affleurent. Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse viennent de remporter la Transat Jacques Vabre.
Le succès est d’autant plus beau et savoureux quand on sait, comme eux, à quel point il faut s’employer pour arriver au meilleur niveau de la discipline. Armel ne boude pas son plaisir : « c’est la première à plus d’un titre. Première grande victoire du Maxi Banque Populaire XI, ma première sur un grand multicoque et ma première à la Transat Jacques Vabre ». « C’est la satisfaction du travail accompli par toute l’équipe », savoure Sébastien, déjà lauréat sur cette course en 2013. « Nous avons appris progressivement à découvrir le bateau et il est arrivé à maturité »
Dès les premières sorties, « nous avons été bluffés »
Afin d’y parvenir, de profiter de ces sourires et de cette joie intense, il y a une histoire qui vient de loin. Ce chapitre écrit par le Team Banque Populaire a débuté en janvier 2019. Pour la quatrième fois depuis les débuts de son engagement dans la voile, en 1989, la banque annonce la construction d’un multicoque. Dix-huit mois plus tard, après un travail de plus de 150 entreprises au cœur de la crise sanitaire, le Maxi Banque Populaire XI, summum d’innovation et de technologie, est mis à l’eau.
Plus aérodynamique, plus robuste et capable de voler plus vite et plus longtemps : le maxi-trimaran impressionne. « Nous avons été bluffés », explique Armel lors des premières sorties en mer. « Les sensations de vitesse et de vol sont démultipliées ». La suite, c’est une longue courbe d’apprentissage. Apprendre à connaître le bateau dans toutes les allures, parvenir à déterminer le moindre réglage, affiner chaque détail, gagner toujours un peu en performance et en confiance à bord.
Armel avait annoncé la couleur
La montée en puissance n’est pas un long fleuve tranquille certes, les bons moments côtoient ceux qui sont plus délicats, mais c’est le lot de tous les projets de course au large. Il y a eu la 2e place à la Finistère Atlantique, la 3e à la Transat Jacques Vabre il y a deux ans puis l’avarie de dérive à la Route du Rhum l’an dernier. Mais les espoirs du Team ne se tarissent jamais, « malgré l’épisode malheureux du Rhum, on savait que l’on s’améliorait », abonde Sébastien Josse.
L’année 2023 débute ensuite et Armel annonce la couleur : ce sera la victoire, partout. Après les paroles, les actes. Dans le sillage du succès de Corentin Horeau à la Solitaire du Figaro, le duo s’impose au 24 Heures Ultim en septembre. Au Havre une poignée de semaines plus tard, l’objectif n’a pas changé et « tous les voyants sont au vert » répète Armel.
Un sacré travail d’équipe, en mer comme à terre
Sur l’eau, ça se confirme malgré des conditions très musclées. Armel évoque « un départ dantesque » avec une pointe à 45 nœuds au large de Cherbourg, un Golfe de Gascogne « très complexe » dixit Sébastien Josse et « une grande variété de conditions avec du près, du portant et du reaching ». Pour parvenir à tirer le meilleur à chaque allure, le travail en symbiose avec Marcel Van Triest pour le routage a été précieux. C’est le météorologue qui souffle l’idée de contourner Madère. C’est lui, aussi, qui a trouvé « le bon point d’empannage » dans le pot-au-noir révèle Armel. En remontant vers les Antilles, le Maxi prend le meilleur au portant. « Nous avons trouvé des petits réglages qui se sont avérés précieux et qui nous ont permis de faire la différence par rapport aux autres. » Résultat : le Maxi Banque Populaire XI a passé plus de 70% de la course en tête et s’est logiquement imposé.
Cette victoire, c’est aussi celle de deux personnalités qui savent persévérer et se surpasser tout en savourant les plaisirs simples du bord. Il y a eu beaucoup de sourires entre les deux hommes, quelques blagues et la certitude du travail bien fait. « J’avais totalement confiance en lui, dit Armel de ‘Seb’. Je lui ai laissé ‘carte blanche’ ! » « On a tout de suite été en phase et pendant la course, il n’y a jamais eu de coup de mou, que de l’enthousiasme », ajoute Sébastien. « Juste avant de franchir la ligne, nous avons lâché la barre et on a regardé le paysage pour profiter de l’instant, poursuit Armel. Ce genre de moment, il faut apprendre à les savourer, à en profiter sans compter ».
La victoire permet aussi à Armel de faire le plein de confiance avant le grand rendez-vous qui l’attend. Le 7 janvier prochain, il disputera l’Arkéa Ultim Challenge, la première course autour du monde et en solitaire. « J’y ai pensé pendant ces 14 jours en mer, sourit le skipper. Ce sera totalement différent en matière de manœuvres, de gestion du stress, de façon de naviguer… Mais on vient de réaliser un tiers du parcours autour du monde en étant à la hauteur de nos ambitions ». Ce qui va changer, aussi, c’est qu’Armel s’y élancera avec une ligne en plus sur son palmarès, comme le nouveau lauréat de la Transat Jacques Vabre.
ILS ONT DIT
Armel Le Cléac’h : « C’est une grande satisfaction de gagner sur ce bateau. Cela fait longtemps que l’on était à la recherche d’une grande victoire avec Banque Populaire. Nous étions là il y a deux ans pour la première course (3e NDRL) et il y a eu cette Route du Rhum difficile l’an dernier… Cette année, nous avons récolté le fruit de notre travail. Tous ces détails travaillés avec l’équipe pour optimiser, fiabiliser et finir par montrer qu’on avait de très bonnes vitesses. Avec Sébastien, ces 14 jours sont passés très vite ! La Transat Jacques Vabre, ce n’était pas une course de préparation, nous étions venus pour gagner. Il y a eu du match, on a été à fond jusqu’au bout. Nous savons que pour gagner, il faut pousser ces bateaux dans leurs retranchements. Nous sommes sans doute l’équipage qui a le plus navigué cette année et ça paie aujourd’hui. »
Sébastien Josse : « Cette victoire, c’est la satisfaction du travail accompli. Cela fait deux ans qu’on navigue avec Armel. Cette Transat Jacques Vabre n’était pas facile, il a fallu aller la chercher. La sortie de la Manche a été musclée, le golfe de Gascogne complexe… On a dû mettre du charbon ! On a clairement découvert certains aspects pendant la course : en avant-saison, nous n’avions pas cette facilité. Nous avons découvert au fur et à mesure de très bonnes vitesses, c’est de très bon augure pour la suite. »
Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire : « C’est une belle victoire pour Armel, pour toute l’équipe et pour tous ceux qui ont cru à ce projet. On a réussi à tenir de belles vitesses moyennes, notamment en VMG portant. Nous avons été surpris d’être aussi à l’aise et de creuser de tels écarts sur du long terme au portant, même s’il est possible que nos concurrents aient été pénalisés par de petits bobos. Il n’empêche, c’est une grande satisfaction à l’arrivée. Armel n’avait jamais eu la chance de pouvoir montrer à tout le monde ce qu’il savait faire en multicoque. C’est un athlète de très haut niveau, un grand champion et il l’a démontré à nouveau tout au long de cette course. »
LEUR COURSE EN CHIFFRES
Heure d’arrivée (heure locale) : 18 h 19 min 50 sec
Heure d’arrivée (heure de Métropole) : 23 h 19 min 50 sec
Temps de course : 14 jours, 10 heures, 14 minutes, 50 sec
Distance parcourue totale : 9 263 nœuds
Vitesse moyenne réelle : 26,75 nœuds